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vendredi 3 février 2012

Polanski en 3 films: "Répulsion" (1965), "Le Locataire" (1976), "Le Pianiste" (2002)



Répulsion:

Onze années avant de tourner son extraordinaire "Locataire", Roman Polanski réalise d'après un scénario de Gerard Brach et de lui-même, ce qui semble être comme une ébauche de son futur classique. "Répulsion" nous invite à assister à la lente descente aux enfers d'une jolie jeune femme, Carole Ledoux, bien sous tous rapports, esthéticienne, et qui vit dans un petit appartement de Londres en compagnie de sa sœur Hélène dont le fiancé s'amuse à titiller l'esprit tourmenté de notre jeune héroïne.

Après chaque journée de travail, Carole frôle les murs, le visage fixé au sol, comme coupée du monde et voulant s'assurer que le regard des hommes est dirigé ailleurs et non vers elle. Et surtout pas celui de ce jeune homme qui sans cesse la relance pour obtenir un rendez-vous avec elle. Un monde dans lequel elle ne semble pas avoir sa place, dans lequel elle ne se reconnait pas. Sa fragilité la rend vulnérable aux regards des hommes qui la convoitent et surtout de ceux qui la fantasment. Son univers, le seul dans lequel elle se reconnaît, c'est ce petit appartement dans lequel elle vit avec sa sœur ainée. Carole a un problème délicat avec les hommes. En fait, elle ne supporte pas de se retrouver à leur contact. La seule présence du fiancé de sa sœur dans l'appartement suffit à la rendre malade.
Malgré tout, Carole s'est construite une existence fragile mais qui tient encore bon face à sa phobie.

Malheureusement pour elle, ce train-train quotidien est très vite chamboulé par le départ de sa sœur en vacances et seule, enfermée dans l'appartement, elle développe à un degré inimaginable ses obsessions refoulées et un univers fantasmatique, hallucinatoire et morbide. Abandonnée, elle cesse de se rendre à son travail, s'enferme à double tour dans son appartement, et doit faire face au jeune homme qui la relance jusque chez elle, à un propriétaire libidineux qui insiste pour avoir ses faveurs quitte à mettre le loyer de coté et surtout à ses tourments intérieurs qui ne cessent de la hanter jusqu'au final dramatique. Le point de non retour.


Film sur la phobie des grands espaces mais surtout sur la peur de l'autre, et du mâle en particulier, "Répulsion" décortique de façon magistrale le long cheminement qui mène à la folie, ici, en l'occurrence, la schizophrénie, à travers le portrait d'une jeune femme jolie mais instable. Polanski filme avec lenteur la dérive de Carole vers l'obsession dans de grandes scènes aussi hallucinantes pour Carole que pour les spectateurs. Certains détails entrent directement en corrélation avec la dégradation psychologique de la jeune femme tel ce lapin reposant dans un grand plateau et pourrissant à mesure que Carole s'enfonce dans la schizophrénie. Dès le départ, le film avec son générique reposant sur l'unique plan d'un œil filmé de très près, pose les jalons de ce qui deviendra une étude presque clinique d'un effondrement psychologique total. Filmé en noir et blanc, ce désir de ne pas employer de couleurs renforce l'aspect réaliste du film. Polanski touche au but en mettant  mal à l'aise (même si le film a tendance à prendre son temps pour démarrer) tant les qualités de la mise en scène sont indéniables. Bien sur, le film ne serait rien sans le jeu très convainquant des différents protagonistes, et notamment celui de Catherine Deneuve réellement épatante dans son rôle.

On retrouvera beaucoup de l'esprit de "Répulsion" dans "Le Locataire" et même dans "Rosemary's Baby" qui fait la jonction entre les deux mais dans un registre fantastique.....



Le Locataire:

Trelkovsky (interprété par Polanski lui-même), petit immigré polonais timide et introverti s'installe à Paris dans un vieil immeuble cossu après que l'ancienne locataire de l'appartement se soit apparemment suicidée en se jetant par la fenêtre. Il devra, avant de pouvoir poser ses valises, attendre que Simone Choule, cette dernière, décède puisqu'elle est désormais clouée sur un lit d'hôpital dans le coma. Trelkovski lui rend visite et fait à cette occasion la connaissance d'une amie de Choule, Stella (Isabelle Adjani), jeune femme extravertie au comportement ambigu mais que le jeune homme trouve très vite à son goût. Peu de temps après, la locataire suicidée meurt et Trelkosky  s'installe dans le vieil appartement.


La vie semble suivre son cours, au travail, dans le bar où il prend ses habitudes ou parmi ses nouveaux collègues de travail. Rien ne semble devoir troubler la vie bien réglée de Trelkovsky si ce n'est le jeu étrange auquel s'adonnent les autres locataires de l'immeuble quand vient la nuit, dans les toilettes installées sur le palier et donnant directement sur la fenêtre du salon du nouveau locataire de l'immeuble. Pendant des heures, immobiles, ils sont les personnages d'un effroyable tableau vivant... Après avoir reçu des amis chez lui pour la pendaison de crémaillère, le propriétaire de l'immeuble fait savoir à Trelkowsky que tout bruit est proscrit dans l'immeuble. Alors, le jeune homme, si réservé, se fait un devoir de s'y fondre pour ne plus faire parler de lui...Après quelques temps, la vie semble reprendre un cours normal pour le jeune homme jusqu'au jour ou il tombe sur des affaires appartenant à l'ancienne locataire enfermées dans une vieille armoire. Des vêtements, du maquillage, vestiges d'une vie qui s'est éteinte. Et même une dent, enfoncée dans le mur derrière le meuble, protégée par une fine couche de coton. Dès lors, tout va très vite. Après avoir reçu en pleine nuit la visite d'une locataire dont la fille handicapée semble gêner les autres habitants de l'immeuble,Trelkowsky, après avoir refusé de signer une pétition visant à chasser la femme et son enfant, est la nouvelle victime des locataires qui semblent vouloir le pousser au suicide comme ce fut le cas pour Simone Choule. Il finit même par se persuader que tout le monde le pousse à "devenir" Simone Choule et après avoir acheté une perruque, vêtu des vêtements de l'ancienne locataire et maquillé à outrance, il passe des nuits entières à roder dans son appartement, vivant de fantasmes et de visions terrifiantes...


Après "Repulsions" et "Rosemary's Baby", deux autres grands classiques du cinéma, Polanski aborde pour la troisième fois le sujet du cloisonnement. Il enferme à nouveau son personnage dans un appartement et développe chez lui la part d'ombre qu'il avait jusque là réprimée. Ses angoisses et ses peurs alors se révèlent dans un jeu d'acteur époustouflant le menant au paroxysme de la paranoïa. Le film baigne dans une ambiance fantastique qui remet toujours en question notre compréhension du sujet mais aussi du personnage et de ce qui l'entoure. On se demande souvent ou est la part d'imaginaire, si le personnage est victime de ses propres peurs ou simplement de la constante volonté de ses colocataires à vouloir lui nuire. Évidemment, quand viendra le dénouement tout s'éclaircira dans un feu d'artifice qui encore aujourd'hui impressionne. Ce qui marque au premier abord, c'est la maîtrise du sujet. On finit par croire que ce que vit le personnage campé par Polanski n'est que la transposition cinématographique d'une existence vécue par le cinéaste. Tout concorde pour faire du Locataire, un chef-d'œuvre inégalable. La bande originale, composée par Philippe Sarde participe à l'ambiance exceptionnelle du film. Le scénario, alambiqué tout en étant d'une limpidité exemplaire, pousse le spectateur à accompagner le héros jusqu'au dénouement. La mise en scène est prodigieuse et parfaitement maitrisée de la part du cinéaste polonais. 


Le Pianiste:

Varsovie 1939. Alors qu'il interprète au piano une nocturne de Chopin pour une radio polonaise, Wladyslaw Szpilman est interrompu par le bruits des bombes qui explosent et se rapproche de manière inquiétante. Il est sommé par l' animateur et son patron de cesser de jouer mais le musicien, véritable virtuose du piano refuse avant d'y être obligé par l' explosion d'une bombe à quelques mètres seulement de la station de radio. Les allemands investissent la ville de Varsovie. De retour dans sa famille, Wladyslaw fait face aux comportement divers de chacun des siens. Alors que le père de famille semble relativiser le chaos et le drame qui se jouent en ville, le frère du musicien, Henryk, use lui d' un esprit de révolte. Dehors certains décrets sont mis en place par les nazis. Comme la défense pour les juifs de se promener dans les parcs ou encore l' obligation pour chacun d' entre eux de porter un brassard orné d'une étoile jaune dans le district de Varsovie dès qu'ils mettent les pieds dehors. Chacun des membres de la famille Szpilman refuse de porter ce dernier et c'est le père qui le premier en fait les frais lorsqu'il est humilié, frappé et obligé de marcher tel un chien dans le caniveau alors qu'il marche dans la rue. Bien que jusqu'alors les juifs aient fait face à autant d'offenses que d'humiliations, un journal local leur apprend à tous qu'un ghetto prévu pour les concentrer va être construit dans la ville de Varsovie.

Octobre 1940. Les juifs sont chassés de la ville pour retrouver leurs "nouveaux quartiers". Comme des milliers d' autres, Wladyslaw et sa famille rejoignent leur nouvel appartement. Dehors, les allemands s' activent et un mur de plusieurs mètres surmonté de tessons de bouteilles entoure le ghetto. A l' intérieur les drames se jouent. Là erre une femme à la recherche de son mari, ailleurs un enfant pleure devant le corps inerte de son père. A la frontière qui mène en dehors du ghetto les allemands s'amusent du drame que vivent les juifs en les humiliant au beau milieu d'une rue.

Les modes de vie ont changé. Certains rallient par dépit la police juive quand d' autres n'ont pour unique intérêt que de trouver de quoi manger. Wladyslaw travaille dans un bar-restaurant comme musicien d' ambiance. Du mur érigé par les nazis, certains vivants de l' autre coté jettent des vivres à ceux de l' intérieur. Parfois c'est un drame auquel assiste Wladyslaw lorsqu'à la tombée de la nuit il marche le long du mur et qu'il voit un jeune garçon mourir sous les coups répétés d' un allemand alors qu'il tentait quelques instants auparavant de franchir le mur par un trou pratiqué dans le sol. Un autre soir,c'est le voisin handicapé de l' immeuble d'en face qui est proprement jeté par la fenêtre du troisième étage simplement parce qu'il est incapable de se lever de son fauteuil roulant lorsqu'un officier allemand lui en donne l'ordre. Le reste de sa famille est exécuté...
Plus tard Henryk est arrêté par les allemands mais grâce à la volonté farouche de Wladyslaw et l'aide d'un ami entré dans la police juive, il est relâché.
Dans la ville circulent des rumeurs de déportation et alors que certains n' en font pas cas, d' autres au contraire s'en inquiètent.

Mars 1942. La déportation a commencé et la famille de Wladyslaw, comme des milliers d'autres juifs cantonnés dans le ghetto de Varsovie, va en faire les frais...

Encore un énième film sur la tragédie de millions de juifs déportés et tués dans des conditions abominables. Encore un prétexte pour nous rappeler combien il est important de ne pas oublier ce qu'ils ont subi pour que cela ne se reproduise plus jamais. Encore un sujet qui n'arrivera sans doute qu'à insupporter à force de redondance. Voilà ce qu'ont sans doute pensé certains d'entre nous avant de se jeter dans la projection de ce film de Polanski. Son nom seul  suffit à donner l' envie de regarder ce film et certainement pas le sujet qui finit par devenir ennuyeux à force de répétitions. Et pourtant, l'une des grandes forces de son film est de ne pas montrer comme c'est trop souvent le cas, le sort réservé aux déportés dans les camps de concentration mais celui d'un musicien qui va être confronté aux horreurs des nazis avant d' être sauvé par l' un d' entre eux et ce, grâce à son exceptionnel don de pianiste.

Dans sa première moitié, le film offre d' abord la vision insupportable de l' invasion nazie sur Varsovie et ses conséquences sur le peuple Polonais. Humiliations, meurtres gratuits, etc, sont le lot quotidien d' hommes, de femmes et d' enfants qui malgré leur grand nombre n' ont aucun moyen de se révolter contre l' ennemi et se retrouvent enfermés dans un ghetto dont la frontière est délimitée par un mur de briques de plusieurs mètres de haut. Le film se révèle parfois extrêmement dur, relayant le pire film d' horreur à une simple bluette et ce, parce que "Le Pianiste" n' en n' est pas un lui-même. Familles fusillées, corps jonchant les rues, enfant battu à mort, handicapé jeté par une fenêtre, Polanski ne nous épargne rien. La guerre dans toute sa laideur.

Plus tard le film se concentre sur son personnage principal. Il assiste de la fenêtre de la chambre dans laquelle des amis à lui l' ont "enfermé" par sécurité au quotidien du quartier jusqu'à ce qu'une voisine le fasse fuir en hurlant qu'il est juif. A l' abri d'un nouvel appartement, on assiste à la la lente dégradation du personnage. Dehors, les allemands mettent la ville à feu et à sang en tuant toute personne se trouvant sur leur passage et en détruisant leurs habitations.
Les images, d'une beauté parfois renversante, rendent toute l' horreur du drame qui se joue. A l'image de la ville qui n'est plus qu'une carcasse vide, le héros semble perdre pieds physiquement et psychologiquement. Il n' a plus rien à voir avec le pianiste virtuose qu'il était mais ressemble maintenant à une bête dont l'intérêt principal est de trouver un peu de nourriture. Adrien Brody campe ce pianiste de façon magistrale. On souffre pour lui lorsque sur le visage il porte les stigmates de la faim et ceux d'une folie prête à venir sonner à sa porte.
Beaucoup de moments forts sont à mettre au crédit de l' acteur mais aussi de la bande originale composée par Wojciech Kilar et d'un grand nombre d' œuvres de Chopin d'une rare beauté. Pour preuve, l'une des dernières scènes du film, sans doute la plus forte et la plus émouvante et dans laquelle le pianiste joue pour l' officier allemand grâce auquel il aura la vie sauve. Un moment qui se ressent aussi bien à travers le regard que dans l' émotion que véhiculent les notes de musique qui résonnent longtemps dans un décor de fin du monde.

Roman Polanski réussit à toucher au corps, au cœur et à l' âme dans un film qui restera sans doute l' une de ses plus éblouissantes mises en scène. 


3 commentaires:

  1. "le locataire" avec jacques martin:)(et plein d'autre)le meilleur
    "répulsions" porte bien son nom en ce qui me concerne plus adepte de "possession" d'andrzej zulawski.
    Ma selec "le bal des vampires","rosemary babe" le locataire" pas vu "the pianist".
    Cronenberg ,Polinsky(ken russell?)vive le cinéma vicéral.....

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    1. Alors cours voir "the pianist", tu n'en ressortiras pas indemne ! :-)

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  2. Repulsion : très beau, mais parfois maladroit en ce qui concerne le développement de l'intrigue.
    The Pianist : j'en ai gardé un très bon souvenir.
    Le Locataire, que j'ai finalement pu voir hier soir, est sublime, malgré un gros bémol : je n'ai pas du tout aimé le jeu de Polanski, et j'ai ressenti l'enfoncement de son personnage dans la paranoïa comme une chute alors que j'aurais préféré plus de lenteur dans le développement de sa paranoïa : il y a comme une rupture entre sa timidité et son délire, et je pense que cela vient de la maladresse de son jeu d'acteur. Un acteur plus expérimenté aurait montré les signes avant-coureurs de cette pathologie (que j'ai souvent tendance à mettre entre guillemets tant je suis persuadé que l'on qualifie trop souvent paranoïaque tout discours allant à l'encontre des valeurs d'une époque donnée, mais soit).

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