Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

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dimanche 31 décembre 2017

Chobizenesse de Jean Yanne (1975) - ★★★★★★☆☆☆☆



Comme pour tous ses films sauf les deux derniers qu'il réalisa respectivement en 1982 (Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ) et 1984 (Liberté, égalité, choucroute), l'écrivain, humoriste, réalisateur et compositeur français Jean Yanne a produit lui-même Chobizenesse, son quatrième long-métrage en tant que cinéaste. Un moyen fiable d'avoir un contrôle total sur la réalisation, le casting ainsi que sur le produit définitif. Jusqu'à maintenant, il avait confié la musique au compositeur Michel Magne, s'occupant lui, des paroles. Désormais, Jean Yanne écrit lui-même sa propre bande-son, confiant les arrangements et les musiques additionnelles au pianiste et compositeur de musiques de films Raymond Alessandrini ainsi qu'à Claude Germain. Plus attiré que jamais par la chanson, le cinéaste profite du thème abordé du monde du spectacle et des marchands d'arme, s'inspirant ainsi directement de son précédent long-métrage Les Chinois à Paris, financé par le chef d'entreprise dans l'industrie aéronautique et de l'armement Serge Dassault, pour écrire ce qui s'apparente à une comédie musicale.
Peut-être moins inspiré, Chobizenesse n'est est pas moins une très bonne comédie qui malheureusement n'a pas rencontré son public lors de sa sortie en France au mois d'octobre 1975 puisqu'il n'attirera sur le territoire tout entier, qu'un peu plus de cinq-cent cinquante mille spectateurs. Pourtant, l'ambition est là. Un spectacle permanent. À la limite de la décadence. Du moins, dans l'esprit de ce que Jean Yanne a accompli jusque là.

Chobizenesse nous narre le récit de Clément Mastard (interprété par Jean Yanne lui-même), directeur de théâtre et dirigeant de revues de music-hall qui après un dîner en compagnie de la célèbre comédienne Célia Bergson se voit offrir l'opportunité de monter une pièce de grande ampleur financée à hauteur de cinq-cent mille francs par quatre frères, marchands d'armes et spécialisés dans l'acier. Mais pour cela, il va devoir faire des concessions. Il abandonne tout d'abord son projet initial et la nouvelle pièce tourne autour de l'acier. C'est un échec. D'abord frileux, Armand Boussenard et ses trois frères finissent par accepter l'idée d'introduire le sexe au cœur de la pièce. Le compositeur attitré de Clément Mastard ayant perdu son inspiration, ce dernier fait appel au musicien de génie Jean-Sébastien Bloch (voyez la source d'inspiration), ancien compositeur des pièces avant-gardistes de Célia Bergson. Mais l'homme se montre très violent envers Clément, rejetant l'idée de composer pour des pièces de théâtre. Soupçonné d'avoir poussé par la fenêtre la prostituée qui l'abritait chez elle, Bloch se réfugie cher Clément qui le protège en échange de quoi, il lui demande d'écrire la symphonie de son prochain spectacle...

L'un des principaux soucis de Chobizenesse demeure dans le fait qu'il se disperse aux quatre vents et manque le coche de la vraie bonne critique sociale. Jean Yanne hésite entre caricaturer l'un des aspects sous-jacents de son précédent film, et centrer le récit sur le personnage mégalomane de Jean-Sébastien Bloch, par ailleurs excellemment interprété par l'acteur Robert Hirsch. Jean Yanne évoque également la montée de la pornographie qui s'est libéralisée quelques années auparavant dans le monde occidental. Le scénario n'ayant pas véritablement de cohérence, on assiste avant tout à un show comme sait les orchestrer Jean Yanne. On assiste le plus souvent à un spectacle musical qu'à une véritable critique de la société même si à intervalles réguliers, son auteur rappelle qu'il écrit avant tout pour attirer l'attention des spectateurs sur les dysfonctionnements de notre société. Pour son quatrième long-métrage, Jean Yanne change complètement d'interprètes. Exit les Bernard Blier, Jacques François, Nicole Calfan, Michel Serrault, Paul Préboist ou Daniel Prévost. 

Désormais, il faut compter sur Robert Hirsch donc, Catherine Rouvel, Denise Gence, carrément hallucinante dans le rôle de l'épouse-mégère de Bloch, le cinéaste évoquant ici un prolétariat sous-cultivé et vivant dans des quartiers insalubres, Hubert Deschamps, l'irrésistible Paul Le Person, Guy Grosso, ou encore Georges Beller, lequel joua l'un des principaux personnages de la série Médecins de Nuit et fut l'animateur de la célèbre émission de télévision diffusée sur Antenne 2 dans les années quatre-vingt dix, Jeux sans frontières. L'on retiendra de Chobizenesse des chansons amusantes, barrées, dans l'esprit des œuvres écrites par Michel Magne pour les précédents longs-métrages de Jean Yanne, un spectacle permanent, haut en couleurs, tout en demeurant prodigieusement kitsch ! Pas le meilleur de son auteur, mais tout à fait regardable si l'on excepte le fait qu'après quarante-deux ans après sa sortie, le film a pris, comme les autres d'ailleurs, un méchant coup de vieux.

samedi 30 décembre 2017

Moi y'en a vouloir des Sous de Jean Yanne (1973) - ★★★★★★★☆☆☆



Pour son second long-métrage en tant que réalisateur après Tout le Monde il est Beau, Tout le Monde il est Gentil, l'acteur, réalisateur, humoriste et écrivain (entre autres talents) français Jean Yanne s'attaque cette fois-ci au monde du capitalisme et lui oppose celui du prolétariat. Il y tient le rôle du conseiller financier d'un grand groupe qui, après avoir été licencié, se rapproche de son syndicaliste d'oncle qui n'a jusqu'à aujourd'hui vu son neveu que comme un capitaliste s'enrichissant sur le dos des prolétaires. Ayant moyennement apprécié d'être viré, Benoît Lepape décide donc de prendre les choses en main et de se venger du capitalisme et achetant une entreprise visant à avoir le monopole dans le domaine de l'industrie. Mais pour cela, il faut de l'argent: c'est pourquoi, avec l'aide de son oncle Adrien Colbart, leader syndical de la CGI, il va tenter de convaincre les membres du syndicat d'investir à l'aide des fonds récoltés l'achat d'une entreprise fabriquant des vélos. Une fois la chose accomplie, et puisqu'il faut bien que celle-ci soit rentable, il crée une journée sans voitures. Contre la pollution. Ce qui aura pour conséquence l'augmentation des ventes de bicyclettes. De grosses sommes d'argent rentrent dans les caisses et ceux qui jusqu'à aujourd'hui s'imaginaient comme les portes-drapeaux du prolétariat veulent désormais en croquer. Entre Benoit et son oncle, c'est la rupture. Trahi par ce dernier, l'ancien conseille financier se rapproche de précédent employeur, lequel lui propose au vu des résultats qu'il a obtenu, le poste de vice-président. Alors que Benoit et son oncle entrent en guerre, celui qui était parvenu à faire la fierté de du leader de la CGI va connaître une ascension fulgurante, attirant le mépris des syndicats et même, plus étonnant, d'une ligue féministe dirigée Nicole, la fille de l'un de ses plus vieux amis, le curé Léon...

Bien que Moi y'en a vouloir des Sous emprunte la forme d'une comédie, le message social de Jean Yanne et Gérard Sire (les deux hommes ont collaboré à l'écriture du scénario), le fond se veut beaucoup profond qu'il n'y paraît. Jean s'attaque en effet une nouvelle fois à notre société mais sous un angle différent de son précédent long-métrage. Désormais, il s'en prend aux grands. A ceux qui détiennent le pouvoir. Mais plus que de simplement opposer ses personnages dans une lutte des classes envisageant d'un côté le Bien, et de l'autre le Mal, il construit avec une certaine aisance le récit d'un individu rejetant les codes du capitalisme tout en étant malheureusement lui-même happé par la réussite sociale et financière.

Plus que le monstre qu'il aurait pu devenir, son personnage garde ses distances avec la réussite et malgré les apparences demeure l'homme proche du peuple qu'il a toujours été. Face à lui, un Bernard Blier qui excelle dans le rôle du leader syndicaliste qui quoi qu'on en dise, jalouse son neveu. Moi y'en a vouloir des Sous étudie les méthodes de fonctionnement d'une entreprise vouée à la réussite. Jean Yanne va jusqu'à faire évoluer celle de son personnage au delà des frontières nationales. Un individu condamné à la réussite. C'est ainsi qu'intervient le burlesque. Lorsque Benoit Lepape tente de perdre de l'argent mais n'en fait qu'en gagner davantage. Pire, celui auquel tout un chacun devrait se référer se voit lui aussi menacé de mouvements de grève. Le film démontre que quoi qu'il arrive, le mécontentement peut gronder. Nicole Calfan qui n'a qu'une très courte carrière d'actrice au moment d'interpréter le rôle de Nicole excelle en militante féministe virulente. Michel Serrault incarne Léon, le curé, tandis que le toujours excellent Jacques François est le fondé de pouvoir, Delfaut. 

On découvre parmi les nombreux interprètes Daniel Prévost, Jean-Marie Proslier (en vicaire), Ginette Garçin ou Paul Préboist dans le rôle du policier Vergeot. Comme cela était le cas pour Tout le Monde il est Beau, Tout le Monde il est Gentil, Jean Yanne attache une importance fondamentale à la musique. Une fois encore, il fait appel au musicien et compositeur français Michel Magne et convoque même lors d'une scène située dans l'église généreusement offerte par le héros le groupe de zeuhl (rock, jazz, avant-gardisme et chorale), Magma. Si Moi y'en a vouloir des Sous a quelque peu vieilli, le plaisir de (re)voir est là, témoignage d'une époque malheureusement révolue...

jeudi 28 décembre 2017

Star Trek de J.J. Abrams (2009)- ★★★★★★★☆☆☆



Il aura fallut attendre quarante ans après la fin de la série originale Star Trek pour qu'un homme se décide à remonter aux sources en proposant la genèse de ses principaux personnages. Comme passés sous un masque de rajeunissement, James T. Kirk, Spock, Nyota Uhura, Montgomery Scott, Hikaru Sulu et Pavel Chekov ont retrouvé de leur superbe et nous les découvrons donc en 2009 sous leurs meilleurs jours. Des débuts difficiles au sein de la Fédération des Planètes Unies puisque confrontés dès leur première aventure à bord de l'USS Enterprise à un immense vaisseau de forage romulien venu du futur, et dont le commandant reproche aux vulcains en général, et à Spock en particulier, d'avoir détruit la planète Romulus cent vingt sept ans plus tard.

Mais pour le moment, ce dernier n'est encore qu'un jeune adulte, admis à l'académie des sciences de Vulcain en dépit de son handicap : Spock est en effet le fils d'Amanda Grayson, une humaine interprétée ici par l'actrice Winona Ryder, et qui lui vaut de connaître beaucoup de difficultés auprès de ses camarades. Devant les ministres du Haut Conseil, Spock refuse finalement d'intégrer l'Académie des Sciences et se retrouvera donc à bord de l'Entreprise. James Tiberius Kirk est d'abord décrit comme un adolescent turbulent, ce qu'il demeurera d'ailleurs jusqu'à son arrivée à bord du célèbre vaisseau USS Enterprise. Arrogant, orgueilleux, bagarreur, aimant la vitesse et les femmes, c'est un électron libre auquel le commandant Christopher Pike a pourtant décidé d'accorder sa confiance en l'accueillant à bord. Tous les héros de la série originale sont présents sur la passerelle, même le capitaine Christopher Pike qui ne fut autre que le commandant de l'Enterprise dans l'épisode pilote de la série originale La Cage. En réalité, lorsque l'équipage du vaisseau part en aide à la planète Vulcain, attaquée par un vaisseau inconnu, il manque encore l'un des célèbres membres de l'équipage original : Scotty ! Lequel, on le découvrira plus tard, vit sur Delta Vega, une planète proche de Vulcain sur laquelle vit en exil forcé un Spock vieillissant venu du futur. Ce dernier y donne une explication plausible sur les raisons pour lesquelles Néro, le capitaine du Narada, l'immense vaisseau de forage venu du futur afin de détruire Vulcain et ses milliards d'habitants. Extrait de force de l'Enterprise, l'incorrigible Kirk est envoyé sur Delta Vega. Il y rencontre Spock à l'intérieur d'une grotte, lequel l'emmène jusqu'à un avant-poste de Starfleet installé sur cette planète entièrement recouverte de glace. C'est là que vit Scotty. Lui qui a émit la théorie de la téléportation trans-distorsionnelle. Une théorie qui cent-vingt sept ans plus tard sera une réalité, Spock étant en mesure de le prouver. 
 
C'est en mettant en pratique sa théorie que Scotty parvient à se téléporter, ainsi que James T. Kirk a bord de l'Enterprise lancé à pleine puissance. Maintenant que l'équipage tout entier est réuni, tous vont pouvoir s'attaquer au Narada et à ses membres. Car après avoir réussi à détruire Vulcain, leur prochain objectif est la planète Terre...

Avec ce Reboot de la saga Star Trek, le cinéaste et producteur J. J. Abrams qui n'avait jusque là réalisé qu'un seul long-métrage mais en avait produit une petite dizaine prend des libertés historiques et temporelles. Des anachronismes qui ne dérangeront pas outre mesures les néophytes mais qui perturberont sans doute les intégristes de l'univers créé il y a plus de quarante ans par le scénariste et producteur Gene Roddenberry. Nous aurions pu craindre un long-métrage essentiellement axé sur des effets-spéciaux de dernière génération comme cela est trop souvent la coutume dans les blockbusters actuels. Et c'est vrai que si l'on y repense, le scénario de ce Star Trek version 2009 est on ne peut plus basique. Le récit, simple, d'une vengeance. De quoi préparer la nouvelle génération de spectateurs. Ceux qui ne se sont pas encore accoutumés au gigantesque univers que représente cette licence faite de six séries télévisées ( Star Trek, Star Trek : La Nouvelle Génération, Star Trek: Deep Space Nine, Star Trek: Voyager, Star Trek: Enterprise, et dernièrement, Star Trek: Discovery) et pas moins de dix longs-métrages en cette année 2009 (qui depuis en compte treize avec celui-ci et Star Trek : Into Darkness, Star Trek: Sans limites). Peu complexe, le reboot de Star Trek a surtout l'avantage de remettre les compteurs à zéro. L'amitié entre Kirk (Chris Pine)et le docteur Leonard McCoy (Karl Urban) ce dernier défendant bec et ongles son ami pouvant ainsi expliquer ses perpétuelles échauffourées verbales avec le Spock de la série originale.

Visuellement, le spectacle est sublime et dépasse tout ce que l'on a pu voir depuis la création de l'univers Star Trek. Les effets visuels et les animations de la société d'effets spéciaux de cinéma américaine Industrial Light & Magic sont magnifiques. Bien loin de la bouillie numérique que l'on aurait pu redouter (le Valérian de Luc Besson sorti cette année), ils accompagnent un récit certes convenu, mais émaillé de scènes passionnantes dont la rencontre avec un Spock vieillissant interprété par l'inoubliable Leonard Nimoy demeure l'un des passages les plus intéressants. On appréciera l'interprétation de l'acteur Zachary Quinto qui se réapproprie avec finesse ce personnage emblématique de l'univers Star Trek. Que les fans de toujours soient d'accord ou non, et s'il ne rivalise pas avec la moindre des séries basées sur l'univers créé par Gene Roddenberry, le film de J.J. Abrams demeure à ce jour la meilleure adaptation cinématographique aux côtés des tous premiers longs-métrages...

Crack in the World de Andrew Marton (1965)- ★★★★☆☆☆☆☆☆



Le Dr Stephen Sorenson projette d'atteindre le noyau de la Terre afin d'en extraire le magma, source d'une énergie inépuisable. Mais alors que même les métaux les plus résistants n'y sont pas parvenus, le savant décide d'utiliser une bombe atomique. Avec l'accord d'une commission chargée d'évaluer les dangers et le potentiel d'une telle mission mais contre l'avis du Dr Ted Rampion qui juge qu'une telle opération risque de mettre en péril la planète et ainsi, l'humanité, Sorenson s'empresse d'envoyer la bombe à travers un tunnel long de trois kilomètres creusé dans le sol. A part un léger séisme, l'opération semble être un succès. Pourtant, les premiers signes avant coureurs d'une catastrophe de très grande ampleur font très vite leur apparition...

Produit par la Paramount Pictures et réalisé par le cinéaste hongrois naturalisé américain Andrew Marton, Crack in the World mêle film catastrophe et science-fiction. Bien que l'idée soit particulièrement intrigante et séduisante, force est de reconnaître que le sujet demeure improbable. Imaginer la terre s'ouvrir en deux à cause de l'explosion d'une bombe atomique, certes, très puissante, reste pure folie. De plus, si l'on émet l'hypothèse que le champ magnétique entourant notre planète dévie les particules mortelles des vents solaires, penser que des hommes de science soient aussi fous pour accorder à un individu la possibilité de mettre en péril l'avenir de l'humanité toute entière est improbable.

Bon, vous me direz qu'il ne s'agit ici que de cinéma, et je vous répondrai que oui, bien entendu, le propos ici ne servant qu'à divertir. Au delà de la mission que se sont promis d'engager une fois l'hypothétique catastrophe reconnue par Stephen Sorenson, on a droit à la sempiternelle idylle qui marquait bon nombre de films de science-fiction des années cinquante et soixante. La particularité de celle-ci demeurant dans le fait que les époux Sorenson soient âgés d'une bonne vingtaine d'années d'écart, que Maggie, l'épouse de Stephen Sorenson ait eu par le passé une relation avec Ted Rampion, et que le mari, atteint d'un cancer, se montre dorénavant distant envers sa femme qui, elle désire de lui, un enfant. Cet aspect du récit demeure, comme d'habitude d'une grande inutilité, le public cherchant avant tout le spectaculaire du sujet principal.

Et pour ce faire, Andrew Marton use d'images d'archives durant lesquelles les explosions de bombes atomiques réelles se multiplient. Le long-métrage étant perpétuellement entrecoupé de prises de conscience de la part du Maggie (l'actrice Janette Scott), le film est en rupture permanente avec le sujet qui nous intéresse. Bande son romanesque envahissante et idylle puérile ruinent une bonne par de l'intérêt. De plus, le cinéaste développe la lente dégénérescence physique du scientifique, phénomène qui ne nous émeut jamais mais qui légitime d'une certaine manière son empressement à envoyer la bombe au cœur de la planète. Si Crack in the World se laisse regarder, il n'en reste à la fin de la projection, rien de bien immuable. Rythme sans cesse brisé et demi-déception pour une histoire quelque peu grotesque...

mercredi 27 décembre 2017

Flight 90 Disaster on the Potomac de Robert Michael Lewis (1984) - ★★★★★★☆☆☆☆



Flight 90 Disaster on the Potomac est a priori le genre de film dont on n'a pas grand chose à attendre. Parce qu'en 1984, année de sortie de ce film catastrophe signé Robert Michael Lewis, le tour de la question semblait avoir déjà été effectué. La série des Airport, puis dans un esprit hautement parodique, les deux volets de la saga Y a-t-il un Pilote dans l'Avion, le rapport entre tous demeurant dans le fait que les problèmes rencontrés étaient soit matériels, ou bien la conséquence d'une collision en plein ciel. Nous ajouterons Alerte à la Bombe et sa prise d'otages (et toute la série de longs-métrages ayant pris pour source d'inspiration le 11 septembre 2001). On pensera bien évidemment au film de Frank Marshall Les Survivants basé sur l'incroyable aventure vécue par les passagers du Vol 571 Fuerza Aérea Uruguaya qui le 13 octobre 1972 s'est écrasé dans la Cordillère des Andes et a fait vingt-neuf morts parmi lesquels douze sont morts dans l'immédiat et dix-sept dans les jours qui suivirent. Une histoire tristement célèbre pour les actes de cannibalismes dont ont dû faire preuve les rescapés pour survivre le temps qu'arrivent les secours deux mois après le crash !

Peut-être moins impressionnant mais toute aussi fort, le récit entourant le Vol 90 de Air Florida qui s'est abîmé dans les eaux gelées du fleuve Potomac le 13 janvier 1982 (encore un 13 me direz-vous) a donc donné naissance à ce film aux allures de téléfilm du dimanche, médiocrement doublé dans la langue de Molière mais qui, au delà de l'inutile première demi-heure censée rendre attachantes les futures victimes de cette tragédie, se révèle finalement anxiogène et terriblement intense. Pas un chef-d’œuvre du genre, loin de là, mais il y a matière à s'identifier à ces rares survivants qui ont réussis à s'extraire de la carcasse du Boeing 737-222 et qui ont sans aucun doute vécu les heures les plus difficiles de leur existence.

Concernant le spectateur, une chose est certaine : mieux vaut éviter de regarder Flight 90 Disaster on the Potomac un jour ou une soirée de grand froid car les températures risquent de dégringoler davantage encore. L'avion s'étant écrasé après seulement soixante secondes de vol et Robert Michael Lewis ayant choisi de respecter scrupuleusement les faits, l'intérêt de son film ne réside donc pas dans le crash mais dans la tentative de sauvetage des rares survivants qui se compte sur les doigts d'une main et sur le pouce de l'autre. Le calvaire que vivent les personnages interprétés au hasard par Stephen Macht, Jeannetta Arnette, Richard Masur ou encore Dinah Manoff, le spectateur le ressent comme s'il était lui-même plongé dans les eaux glaciales du Potomac. Sous l'eau, la carcasse de l'avion est à peine visible. La surface est recouverte de plaques de glaces et la météo s'en mêle également. Neige et vent alourdissent l'ambiance déjà suffocante. Les visages blêmissent, et les survivants, tétanisés par le froid au point de ne plus sentir leurs jambes brisées, commencent à donner des signes de fatigue et d'abandon.

Afin d'appuyer son propos et de pallier à l'évident manque de moyen (le moment où l'avion entre en contact avec le fleuve a tout simplement été banni du récit), Robert Michael Lewis opte pour l'intégration d'images d'archives qui dans le contexte météorologique trouble, collent parfaitement aux scènes de fiction. L'un des principaux atouts de Flight 90 Disaster on the Potomac demeure non seulement dans ces actes de bravoures d'hommes et de femmes laissant de côté leur préoccupations du moment pour venir en aide aux quelques survivants, mais aussi dans ces quelques images émouvantes de proches n'ayant aucun moyen de connaître l'identité de ces derniers. Relativement stressant, Flight 90 Disaster on the Potomac nous plonge donc en plein cœur d'un drame dont l'issue n'aura malheureusement été favorable que pour très peu de passagers. Si l'économie de moyens se ressent fortement à l'image, l'interprétation des différents protagonistes se révèle quant à elle particulièrement bénéfique. Un film catastrophe, au final, plutôt convainquant...

mardi 26 décembre 2017

El Carnaval de las Bestias de Jacinto Molina Alvarez (1980) - ★★★★★★☆☆☆☆



Si l'acteur, réalisateur et scénariste espagnol Paul Naschy est surtout connu pour avoir incarné le loup-garou Waldemar Daninsky dans plus d'une dizaine de longs-métrages, on le retrouve en cette année 1980, et dans ce film qu'il a réalisé lui-même sous le pseudonyme de Jacinto Molina Alvarez, dans la peau de Bruno Riveira, un aventurier téméraire tombé sous le charme de la belle Mieko. Engagé afin de mettre la main sur une mallette renfermant des pierres de grande valeur, il finit par se retourner contre eux, semant les morts derrière lui. Mais alors qu'il est en fuite, il est gravement touché par plusieurs balles. Entre la vie et la mort, il est sauvé in extremis par le docteur Don Simon, ainsi que par ses deux filles Monica, et Alicia, laquelle, donneuse universelle, lui concède un peu de son sang afin de remplacer celui qu'il a perdu. Aux petits soins pour le blessé, toute la famille se prend d'amitié pour Bruno et lui propose de rester jusqu'à sa complète guérison. Pourtant, peu à peu, le fuyard va observer de troublants comportements au sein des Murua. Si Alicia, tombée folle amoureuse de lui semble la plus saine d'esprit, sa sœur Monica se montre possessive. Voire agressive. Quant au père, malgré son statut de médecin, il entretient avec la servante Raquel de bien étranges habitudes...

Si se frotter à la première demi-heure de El Carnaval de las Bestias se révèle une véritable gageure du fait de son peu d'intérêt, heureusement, l’œuvre de Jacinto Molina Alvarez dévoile ses véritables intentions dès lors que le principal interprète (qui n'est donc autre que Paul Naschy) foule le sol des Murua. Une bien étrange famille donc. Propriétaires d'une porcherie, et interprétés par un trio d'acteurs d'apparence physique somme toute classique : Lautaro Murua, Silvia Aguilar, et Azucena Hernandez. Ajoutons à ceux-là l'actrice Roxana Dupre dans le rôle de la domestique, ainsi que Eiko Nagashima dans celui de Mieko.

Œuvre polymorphe, El Carnaval de las Bestias démarre comme un film d'action pour plonger son héros dans un récit horrifique auquel il ne survivra pas. Malheureusement ou pas d'ailleurs, puisque Paul Naschy y incarne un anti-héros particulièrement antipathique, à la gâchette facile, et dont l'une des spécialités est d'écraser en gros plans sous la semelle de ses chaussures d'innocentes créatures terrestres (un scarabée puis un scorpion). Assurément, ce film espagnol demeure étrange. Oscillant entre plusieurs genres, brassant bon nombre d'idées sans jamais aller jusqu'au fond des choses, El Carnaval de las Bestias n'est ni bon, ni mauvais. De plus, la version présentée étant doublée dans un anglais des plus médiocre, le résultat final est relativement décevant et laisse forcément présager une version originale en espagnole de bien meilleure qualité. Ne soyons donc pas trop durs avec ce long-métrage qui, au hasard, rappellera d'excellents souvenirs à ceux qui eurent l'occasion de voir les dérangeants The Beguiled que réalisa le cinéaste Don Siegel en 1971 et le Singapore Sling du grecque Nikos Nikolaïdi, sorti en 1990. Une vraie famille de timbrés. Un père dominant une domestique volontairement et très plaisamment punie à grands coups de fouet sur le lit du patriarche. Une Monica perverse, nymphomane, traumatophile. Une Alicia faussement douce, ingénue aussi perverse que sa sœur, et une mère de famille apparemment décédée mais dont le fantôme rôde, prévenant Bruno des dangers qu'il encourt s'il reste dans cette maudite demeure.
Pas grand chose d'affriolant à se mettre sous la dent pourtant, à part deux ou trois scènes qui sauvent le film du naufrage : Monica nue, et s'excitant sauvagement sur le corps encore recouvert de bandages sanguinolents de Bruno. Le repas déguisé entre convives, vulgaires, se querellant, en venant presque aux mains, ou encore le passage assez gore qui voit le vétérinaire de la famille finir dévoré par les cochons dont il a la responsabilité. Quant à la toute fin, elle réserve une surprise attendue, mais bienvenue.
El Carnaval de las Bestias se regardera donc avant tout comme une curiosité. Plus proche du nanar que des deux exemples cités plus haut. Mais comme le dit l'expression, faute de grives on mange des merles...

lundi 25 décembre 2017

A Nightmare On Elm Street 3 : Dream Warriors de Chuck Russel (1987) - ★★★★★★☆☆☆☆



C'est fou comme avec le temps l'intérêt pour une œuvre peut se déliter. A Nightmare On Elm Street 3: Dream Warriors fait partie de ces longs-métrages découverts au cinéma lors de leur sortie. Je pénétrais l'univers du mythique Freddy Krueger pour la première fois. Je ne connaissais pas l’œuvre originale, n'avais pas vu le second chapitre et demeurait donc fort intrigué. A la sortie d'un cinéma quelconque de la capitale, en ce mois de juin 1987, j'étais assez satisfait de mon expérience. Un croquemitaine charismatique, une idée originale, des scènes étonnantes et des effets-spéciaux remarquablement accomplis par Kevin Yagher et une équipe constituée d'une dizaine de personnes. De quoi se réjouir d'un cinéma fantastique en pleine forme qui en cette année 1987 vit la sortie de Robocop de Paul Verhoeven, Prince des Ténèbres de John Carpenter, ou encore Hellraiser, le Pacte de Clive Barker. Freddy Krueger devient ici sous la houlette du spécialiste des effets-spéciaux de maquillage un énorme serpent avalant l'une de ses pauvres victimes adolescentes (Patricia Arquette qui débutait pratiquement sa carrière d'actrice), un marionnettiste grand comme un immeuble, puis un poste de télévision, ou encore une infirmière sexy. L'un des effets-spéciaux les plus étonnant demeurant l'abdomen du croquemitaine exhibant l'âme de ses précédentes victimes. Quant à la pauvre Heather Langenkamp, ATTENTION SPOILER, elle demeurera dans ce troisième opus de la saga comme la dernière victime du tueur au visage brûlé et au gant armé de lames effilées.

Malheureusement, malgré ces quelques scènes particulièrement réussies, du moins pour l'époque et qui n'ont pas trop à rougir de nos jours face aux progrès qui ont été effectués depuis en matière d'effets-spéciaux, A Nightmare On Elm Street 3: Dream Warriors m'est apparu d'un ennui profond. En tout cas, bien moins passionnant qu'à l'époque de sa sortie. Mais tout s'explique de manière fort aisée. Comme dit plus haut, je n'avais pas encore découvert l'original. Une erreur très vite réparée, pour un résultat effarant. Surtout pour cette seconde séquelle qui depuis ne me concerne plus vraiment. Car le personnage central du récit original (créé par le cinéaste Wes Craven à partir d'un curieux fait divers concernant un adolescent insomniaque mort de s'être volontairement empêché de dormir par crainte de mourir durant son sommeil), le producteur, réalisateur et scénariste Chuck Russell (auquel on doit notamment le fameux remake du Blob en 1988, son second long-métrage après celui-ci, donc) en a fait un bouffon. Plus amusant que réellement terrifiant. Une donnée d'ailleurs totalement absente, ce qui, pour un film mêlant l'horreur et le fantastique est suffisamment navrant pour être notifié.

Freddy Krueger est devenu l'amuseur public. Celui qui provoque l'hilarité au sein d'un public adolescent conquis par ce père fouettard horriblement défiguré dont on avait peine à croire que sous son maquillage se planquait l'interprète de l'adorable extraterrestre Willy de la série originale V. Ce troisième volet ressemble à une fête foraine dont l'intrigue se situe presque exclusivement dans l'aile d'un hôpital psychiatrique réservé aux adolescents suicidaires et victimes de troubles du sommeil. Rétrospectivement, on peut comprendre que Wes Craven n'ait pas voulu que son bébé fasse des petits. Malheureusement, malgré l'échec du second volet, la New Line en décida autrement. Outre différents prix de part le monde, A Nightmare On Elm Street 3: Dream Warriors a obtenu le prix (mérité) des effets-spéciaux au festival du Rex en 1987. Outre Heather Langenkamp qui reprend son rôle de Nancy Thompson après avoir disparu lors du second volet et Robert Englund qui continue à interpréter Freddy Krueger, nous découvrîmes Patricia Arquette (qui depuis à joué pour Tony Scott, Tim Burton, David Lynch, Ole Bornedal ou encore Martin Scorsese), Craig Wasson (Body Double de Brian de Palma), ou l'excellent Laurence Fishburne que l'on a pu notamment revoir plus tard dans Double Détente de Walter Hill, The King of New York d'Abel Ferrara, ou encore Matrix des frères (sœurs?) Wachowski. Quant à l'acteur John Saxon, tout comme Heather Langenkamp il réapparait dans ce troisième volet dans le rôle du lieutenant Donald Thompson qui n'est autre que le père de l'héroïne Nancy Thompson.

Un volet qui a bien (mal) vieilli donc mais que je conseillerais tout de même à celles et ceux qui ne l'ont toujours pas vu. A Nightmare On Elm Street 3: Dream Warriors éveillera peut-être alors la curiosité des fans de cinéma fantastique ne connaissant pas encore le célèbre croquemitaine...

dimanche 24 décembre 2017

A Nightmare On Elm Street 2: Freddy's Revenge de Jack Sholder (1985) - ★★★★★★☆☆☆☆



A la fin de A Nightmare On Elm Street, la jeune Nancy Thompson, héroïne du premier opus (que l'on retrouvera notamment dans le troisième épisode) est parvenue à contrôler sa peur et a pris le dessus sur le tueur Freddy Krueger, le renvoyant ainsi d'où il venait. Cependant, et alors qu'une nouvelle et radieuse journée se profilait, les tout derniers instant laissaient présager une suite aux aventures du croquemitaine à la main affublée d'un gant parcouru de quatre lames terriblement aiguisées. Pourtant, lorsque débute ce nouveau chapitre réalisé non plus par Wes Craven, mais par Jack Sholder, lequel réalisera deux ans plus tard en 1987 le petit chef-d’œuvre de science-fiction Hidden, et alors que tout semblait avoir été dit, le cinéaste américain et le scénariste David Chaskin imaginent une suite qui demeurera fort originale en comparaison des autres épisodes à venir puisqu'il intégrera le personnage de Freddy Krueger dans le monde réel, tandis qu'à l'avenir, ce monstre au visage brûlé lors d'une exécution orchestrée par des parents décidés à se débarrasser d'un tueur d'enfants s'en prendra à leur progéniture à travers les rêves.
Toujours interprété par l'acteur californien Robert Englund, le gentil extraterrestre de la Série V originale, lequel fit une courte apparition dans Le Crocodile de la Mort de Tobe Hooper et dans de nombreux films d'horreur plus ou moins réussis, Freddy Krueger demeure pourtant relativement rare dans ce second chapitre. Car pour pouvoir se venger, cette créature que l'on identifiera de surnaturelle puisque se mouvant au cœur des cauchemars des adolescents du fameux quartier de Elm Street, devra pour cela prendre possession du corps de Jesse Walsh, le nouveau personnage principal.

Désormais, c'est le talentueux maquilleur Kevin Yagher qui prend la relève et s'occupe du terrifiant maquillage de Freddy. Jack Sholder fera d'ailleurs à nouveau appel à lui pour son prochain film, le récit d'une créature extraterrestre malfaisante descendue sur Terre, voyageant d'un corps humain à l'autre et traquée par l'un de ses semblables (l'excellent Kyle MacLachlan qui débuta sa carrière auprès de David Lynch dans le médiocre Dune). Démarrant sur les chapeaux de roue (c'est le cas de le dire), les première minutes laissent une sensation mitigée. Couleurs criardes, décors de carton-pâte et visuel atroce, ça commence assez mal. Ensuite, on a droit à la sempiternelle université américaine avec ses beaux gosses, ses belles blondes, et surtout son prof de sport ultra stéréotypé (au point que le cinéaste en fera un grand amateur d'actes sadomasochistes traînant tout de cuir vêtu dans des boites de nuit très louches). La suite est on ne peut plus classique. Une famille américaine qui demeurerait tout à fait idéale (dont un père de famille parfois quelque peu rigide et interprété par le Clu Galager du Retour des Morts-Vivants de Dan O'Bannon et de l'improbable Uninvited de Greydon Clark) si le fils n'était pas la victime d'horribles cauchemars.
Mais plutôt que d'en rester là et de nous resservir le même plat que Wes Craven, Jack Sholder extrait le croquemitaine du monde des rêves et lui permet de se venger à travers Jesse Walsh, la victime de cauchemars en question. D'où des scènes pour la plupart ancrées dans la réalité. Des décors à moindre frais donc mais quelques scènes d'horreur plutôt sympathiques.

Bien que le film tienne sur un scénario apparemment original, quelques doutes peuvent cependant être émis : pour le moindre d'entre eux, les deux chiens à visage humain que l'on rencontre à un moment donné semblent tout droit provenir du paranoïaque Invasion of the Body Snatchers de Philip Kaufman. Mais plus gênant, le scénariste semble s'être surtout beaucoup inspiré du second chapitre de la longue, très longue saga Amityville (Amityville 2 : Le Possédé de Damiano Damiani sorti trois ans auparavant) pour les plans nocturnes durant lesquels le jeune héros se promène dans la demeure familiale. Même lorsque Freddy Krueger s'empare de lui, il est difficile de ne pas reconnaître une certaine ressemblance entre les deux films. D'ailleurs, si certains mouvements de caméra passent de la cave des Walsh à la maison à proprement parler, ça n'est sans doute pas le fruit du hasard. Relativement peu apprécié en son temps, cette suite se laisse pourtant regarder et demeure une alternative originale au contexte habituel rencontré dans l'univers du croquemitaine. Au regard de l'original, A Nightmare On Elm Street Part 2: Freddy's Revenge lui demeure cependant inférieur...

samedi 23 décembre 2017

Nouvelle Cuisine de Fruit Chan (2005) - ★★★★★★★★☆☆



Nouvelle Cuisine n'est pas de ces œuvres qui vous ouvrent l'appétit. Bien au contraire. Au pire, ou au mieux, elle subjuguera votre passion du septième art par sa conception de la gastronomie tout à fait originale. Exquise et dérangeante. Poétique et morbide. Ou comment vouer sa jeunesse éternelle à la consommation raffinée de fœtus humains plus ou moins âgés. Dans les décors d'un quartier chinois capté par le regard voyeur d'une caméra filmant de loin des figurants de quatrième rang vit Tante Mei. A l'image des rebouteux de notre arrière-pays officiant clandestinement et en parallèle à la médecine traditionnelle, cette ancienne médecin à troqué la table d'opération pour celle de sa cuisine. Une artiste en ce domaine. De délicats raviolis élaborés avec la talent d'un chef cinq étoiles. De fines membranes représentatives (ou pas) du placenta qui peu de temps auparavant, protégeait ces fébriles créatures dont les génitrices ont fait le choix de se débarrasser. Des décors sucrés enrobés de touches pastelles, le cinéaste chinois Fruit Chan (ça ne s'invente pas) y oppose le rouge cru de la viande hachée menue et accompagnée de divers condiments. Ce rouge signifiant la virginité perdue, l'avortement, et par conséquent la mort, se retrouve jusque dans les couleurs criardes du voile protégeant le visage de Chung Li, actrice vieillissante, trompée par un riche époux volage, venue payer à prix d'or les mets préparés par Tante Mei. Le cannibalisme comme vous ne l'avez sans doute jamais vu. Peut-être entre-aperçu, ici ou là (Le Cuisinier, le Voleur, sa Femme et son Amant de Peter Greenaway), cet aspect extrême et interdit de la gastronomie, Fruit Chan la suublime. A tel point que l'aversion logique produite par une telle activité ne nous poussera à aucun moment jusqu'aux toilettes afin d'y rendre le contenu de notre dernier repas.

C'est fin, et tourné avec une certaine classe. Sans jamais s'appesantir sur une quelconque surenchère esthétique qui renverrait son œuvre dans la catégorie des films d'auteur parfois lourde de conséquences, Nouvelle Cuisine est dans sa construction, tout à fait admirable. Plus qu'un simple film d'horreur (ce qui, d'ailleurs, il n'est pas), le long-métrage de Fruit Chan aborde sans jamais faire dans la démagogie, le couple, la peur de vieillir, et les médecines parallèles. Il y confronte une certaine forme de bourgeoisie ne souffrant d'aucun scrupule lorsqu'il s'agit de se nourrir de fœtus humains, à des individus de souche beaucoup plus modestes mais qui dans la relative importance qu'ils génèrent vis à vis de concitoyens qui autrement n'auraient même pas fait l'effort de frapper à leur porte, peuvent se permettre une certaine ironie. On pense bien sûr, cannibalisme. Mais pourquoi pas aussi, vampirisme. Tant dans l'acte de consommation de viande humaine, que dans l'addiction de Chung Li pour cette matière première seule capable de lui rendre sa jeunesse.

Beau comme un poème, Nouvelle Cuisine connaît aussi des moments plus durs, nécessaires pour que le spectateur puisse encore faire la différence entre ce qui demeure acceptable et ce qu'il se doit de rejeter quoi qu'il en coûte. Dernier rempart contre la perte totale de dignité, ou plus simplement d'humanité, quelques actes nous maintiennent donc sur les bons rails. Se manifestant de façon brut, extraordinairement accompagnés par l'anxiogène partition musicale de Chan Kwong-Wing. Sans jamais précéder l'acte monstrueux, la musique alerte le spectateur une fois la chose accomplie. Comme pour nous assurer que le fait qui vient d'avoir lieu est bien monstrueux et n'est surtout pas à mettre sur le compte de la normalité. Miriam Yeung, Bai Ling et Tony Leung Ka-Fai sont les trois principaux interprètes d'une pièce en un acte battant aussi bien le froid que le chaud. Et même le brûlant parfois. Une lente descente aux enfers avec signes avant coureurs. La dégénérescence physique et mentale sont ici indissociables. Parfaitement interprété et mis en scène, Nouvelle Cuisine possède de plus une photographie magnifique, œuvre de l'australien Christopher Doyle. On ne s'étonnera donc pas de retrouver ce nom accolé à celui du cinéaste hongkongais Wong Kar-Wai, un autre esthète. A voir, donc. Absolument.

Docteur Jerry et Mister Love de Jerry Lewis (1963)



Le professeur de chimie Julius Kelp est brillant et respecté par ses élèves. Du moins, par la majorité. Pour ne plus avoir à subir les brimades de l'un d'entre eux, il décide de s'inscrire dans une salle de musculation afin de prendre un peu de poids. Mais contre attente, il en perd. Amoureux de l'une de ses étudiantes, la charmante Stella, il décide d'user de ses talents de chimiste pour mettre au point un élixir qui le transformera définitivement en un autre homme.

Alors que les étudiants de l'université ont pour habitude de se retrouver dans l'établissement Le Diable Pourpre, Stella lui propose de l'y retrouver le soir même. Expérimentant sa nouvelle formule, Julius se transforme d'abord en une créature repoussante, poilue et au visage simiesque. Quelques temps plus tard, le voilà qui file tout droit vers le lieu de rendez-vous. Tout le monde s'écarte sur son passage. Une fois arrivé au Diable Pourpre, les gens cessent de danser et les musiciens de danser. Julius Kelp n'est plus. C'est désormais Buddy Love qu'il faut appeler le timide professeur de chimie. Extrêmement séduisant, il est également narcissique et imbu de lui-même. Excellent musicien, il charme l'assistance pour moitié composée de jeunes demoiselles avant d'embarquer Stella à bord de sa propre voiture. Une fois isolés, Buddy Love montre à la jeune femme un peu troublée par le comportement passablement odieux du personnage qu'il est aussu capable d'être charmant. Mais alors que tout semble rentrer dans l'ordre entre eux, les effets de l'élixir commence à se dissiper et Julius Kelp refait doucement surface. C'est ce moment-là que son double choisit pour prendre la fuite...

« Je ne veux plus être ce que je ne suis pas... »
Buddy Love

Réalisé et interprété par l'immense comique américain Jerry Lewis qui se fit connaître grâce au duo qu'il forma avec l'acteur-chanteur Dean Martin, Docteur Jerry et Mister Love est une version parodique du célèbre roman de Robert Louis Stevenson, L'étrange Cas du Docteur Jekyll et de M. Hyde. Le principal de l'intrigue se déroule entre une université où travaille son personnage de Julius Kelp et le lieu où se retrouvent les étudiants lorsque le soir arrive. Même si lors des prémices de la transformation de son personnage vers son alter ego montre une créature disgracieuse, on peut noter une très nette différence entre cette adaptation et le roman. Dans ce dernier, l'odieux comportement de l'alter ego du Docteur Jekyll est réhaussé par un physique monstrueux qui va de pair avec ses méfaits. En ce qui concerne Docteur Jerry et Mister Love, la frontière physique entre les deux personnages est beaucoup plus subtile. 
 

Jerry Lewis fait même de Buddy Love un personnage certes, antipathique, mais au physique tout de même nettement plus avantageux que celui du professeur. Interprétant les deux rôles, il s'oblige à entrer dans la peau de deux personnalités bien distinctes. Cabotinant énormément avec celui de Julius Kelp, il est plus grave quand il s'agit de Buddy Love. Transformant sa voix et son apparence à volonté, il joue sur l’ambiguïté de ces deux êtres à tel point qu'on ne sait plus dans quelle mesure il peut être amené à rester coincé dans la peau de l'un ou de l'autre.

Finalement, il s'en sort avec la morale qui dit qu'il faut s'accepter tel que l'on est. Une morale naïve aujourd'hui où l'apparence prime souvent sur tout le reste. Pour cette dernière scène, Jerry Lewis ajoute de l'émotion aux thèmes du fantastique, de la comédie et de la romance. Une belle réussite.

vendredi 22 décembre 2017

Chérie, j'ai Rétréci les Gosses de Joe Johnson (1989) - ★★★★★★★☆☆☆



Rick Moranis fait partie de ces quelques acteurs qu'il est impossible de détester. Toujours prompt à incarner des personnages attachants, rois de la gaudriole, maladroits, timides, l'acteur américain originaire de Toronto où il officia comme DJ à la radio locale Chum FM durant les années soixante-dix débute sa carrière au cinéma au début des années quatre-vingt. Si de son vrai nom Frederick Allan Moranis, Rick Moranis n'a plus fait parler de lui depuis maintenant vingt ans, c'est parce qu'il à décidé de mettre sa carrière d'acteur en stand-by depuis le décès de son épouse en 1991. Pour ceux qui se demanderaient encore de qui il s'agit, Rick Moranis n'est autre que l'inconsistant avocat du diptyque S.O.S Fantômes réalisé par Ivan Reitman en 1984 et 1989. Il est également le timide fleuriste du remake réalisé par Frank Oz de La Petite Boutique des Horreurs de Roger Corman. Mais peut-être plus encore, il est avant tout le principal interprète des trois volets des Chérie... réalisés respectivement par Joe Johnson (Chérie, j'ai Rétréci les Gosses en 1989), Randal Kleiser (Chérie, j'ai Agrandi le Bébé en 1992) et Dean Cundey (Chérie, nous avons été Rétrécis en 1997).

Pour ces derniers tout commence donc en 1989. Dans une petite bourgade américaine, le chercheur et savant Wayne Szalinski expérimente dans son grenier une machine censée miniaturiser les objets. Alors qu'il travaille dessus depuis des mois, les résultats ne sont pas à la hauteur de ses espérances. Aujourd'hui, il a rendez-vous pour un exposé sur le sujet. Mais là encore, personne ne semble s'intéresser à ce farfelu et la totalité des personnalités conviées quittent la salle avant la fin. Tandis qu'il se démène pour rendre crédible un procédé sans pouvoir prouver ses théories, à la maison, ses enfants Amy et Nick profitent de ce samedi pour ranger la maison. A côté vivent les Thompson. Une famille d'américains moyens dont le père ne supporte plus le bruit que génère Wayne Szalinski lors de ses expériences. Marié à Mae, Russel Sr. et son épouse ont deux enfants, Russel Jr. et Ronald. Alors que ce dernier joue seul au base-ball dans leur jardin, il tire une balle en l'air qui vient briser la vitre du grenier des Szalinski et met en marche la machine sur laquelle travaille Wayne. Forcé par son frère d'aller s'excuser auprès de leurs voisins, les enfants Thompson se dirigent en compagnie de leurs jeunes voisins vers la maison d'à côté et sont conviés à monter jusqu'au grenier afin de récupérer leur balle. C'est au moment même où les quatre enfants entrent dans la pièce que la machine produit un puissant laser qui les miniaturise jusqu'à atteindre la taille de six millimètres. C'est à ce moment là que rentre Wayne de sa conférence...

Comme on peut s'en douter à partir de ce moment là, l'aventure que vont vivre Amy, Nick, Ronald et Russell sera pour le moins étonnante. Nous sommes donc en 1989 et à l'époque, inutile de compter sur de quelconques effets-spéciaux numériques même si le procédé existe déjà depuis le milieu des années quatre-vingt. On est encore loin d'atteindre les prouesses visuelles d'aujourd'hui. C'est pourquoi les techniques employées ici apparaissent désormais quelque peu désuètes. Pourtant, s'il on estime le nombre de films dont les effets-spéciaux ont eu bien du mal à tenir sur la durée, ceux de Chérie, j'ai Rétréci les Gosses conservent un certain panache. Sorti la même année que les réjouissant Abyss de James Cameron, Retour vers le Futur de Robert Zemeckis ou, justement, le premier volet des aventures des chasseurs de fantômes de Ghostbusters, ses effets-spéciaux ressemblent pourtant malheureusement davantage à ceux du Neverending Story du cinéaste allemand Wolfgang Petersen sorti cinq ans auparavant que de ceux du remarquable The Incredible Shrinking Man que réalisa Jack Arnold en 1957 et qui prouve à lui seul que, selon l'expression consacrée, c'est dans les vieux pots etc, etc, etc...
Décors gigantesques reproduisant un petit carré de verdure prenant ici des dimensions stupéfiantes. La moindre pousse d'herbe peut y servir à loisir de toboggan tandis que l'arrosage automatique et la tondeuse (bricolée par le fiston) deviennent de redoutables pièges pour nos héros miniatures. Qui finiront par se réfugier dans les alvéoles d'une brique de Lego pour dormir ou dans le tunnel creusé par un lombric pour échapper à la lame de la tondeuse en question. Le visuel mélange décors réels revus dans des dimensions colossales, intégration des personnages sur fond bleu (la scène de la tondeuse, encore elle), et stop-motion ou, procédé d'image par image permettant de donner vie à de rares insectes tels une fourmi et un scorpion. Il faut l'avouer, le jardin des Szalinski demeure en la matière plutôt avare !

Qu'il s'agisse de Rick Moranis, de Matt Frewer, de Jared Rushton ou des autres interprètes (parmi lesquels il serait dommage d'oublier l'adorable chien des Szalinski), l’œuvre de Joe Johnson promet de passer d'agréables moments de divertissement. Il demeure également l'un des témoignages cinématographiques d'une époque aujourd'hui révolue et où l'essentiel n'est plus désormais qu'histoire de virtualité. Car si les décors de Chérie, j'ai Rétréci les Gosses paraîtront particulièrement kitsch aux plus jeunes d'entre nous, ils avaient l'avantage de demeurer tangibles. Un long-métrage qui demeure très divertissant presque trente ans après sa sortie...
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